L’enseigne française Belair traverse une crise sans précédent qui menace l’existence même de sa chaîne de magasins. Connue pour son positionnement dans le « luxe accessible », cette marque de prêt-à-porter haut de gamme fait face à une dette colossale et pourrait voir ses 25 boutiques fermer leurs portes prochainement. Après quatre décennies d’existence, l’empire bâti par Éric et Franck Sitruk vacille dangereusement, mettant en péril l’emploi de 44 salariés. Une audience cruciale se tiendra le 29 avril 2025 au tribunal judiciaire de Paris, qui pourrait sceller le sort de cette enseigne emblématique du paysage français.
Belair au bord du gouffre financier
Fondée en 1986 par les frères Sitruk, l’enseigne Belair s’est imposée comme un acteur incontournable du prêt-à-porter haut de gamme français. D’abord simple fabricant textile, la marque a connu une expansion rapide tant sur le territoire national qu’à l’international. Cette croissance, qui semblait prometteuse, cache aujourd’hui une réalité bien plus sombre.
Le cœur du problème se situe rue du Four, dans le prestigieux 6e arrondissement parisien. Cette boutique emblématique, ouverte en 2007, cumule désormais une dette locative de 100 000 euros. Malgré de nombreuses relances et des saisies conservatoires, aucun loyer n’a été versé depuis plus d’un an. Le propriétaire des lieux, la société Fabtoleste, a donc décidé de porter l’affaire devant la justice en décembre dernier.
Cette situation n’est que la partie émergée d’un iceberg financier bien plus imposant. Effectivement, l’enseigne affiche une dette globale de près de 700 000 euros envers divers créanciers, principalement des établissements bancaires. Un montant qui s’inscrit dans la continuité d’une dette déjà colossale de 11 millions d’euros constatée en 2021. Face à cette accumulation, Fabtoleste réclame désormais la liquidation judiciaire de la marque.
Le porte-parole de Fabtoleste ne cache pas son exaspération : « Cela fait un an que Belair laisse sa boutique ouverte sans régler son loyer ». Une situation qui laisse présager le pire pour l’avenir des 25 magasins de l’enseigne et leurs employés.
Les racines d’une chute annoncée
La débâcle de cette célèbre enseigne de prêt-à-porter n’est pas uniquement imputable à la conjoncture économique actuelle. Éric Sitruk lui-même reconnaissait déjà les dangers d’une expansion trop rapide dans une interview accordée à France Info en 2016 : « Nous avons mené une course effrénée au développement […] C’est un peu la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ».
Pour garantir le bail de la boutique de la rue du Four, dont le loyer annuel s’élève à 100 000 euros, Éric Sitruk s’était personnellement engagé. Pourtant, selon le bailleur, les retards de paiement ont été récurrents depuis l’ouverture. La pandémie de COVID-19 a certes aggravé la situation, mais les difficultés étaient préexistantes.
En 2020, l’enseigne avait obtenu une suspension de loyer pendant six mois pour faire face aux conséquences du confinement. D’un autre côté, depuis fin 2024, les paiements ont totalement cessé sans qu’aucune explication ne soit fournie par la direction. Les saisies effectuées sur les comptes de l’entreprise n’ont fait que confirmer l’état catastrophique des finances.
Maître Grégory Lévy, avocat représentant Fabtoleste, ne mâche pas ses mots concernant la gestion de l’entreprise : « Monsieur Sitruk a manifestement confondu les règles de l’immobilier avec celles du poker ». Une déclaration qui laisse entendre que des choix stratégiques hasardeux pourraient être à l’origine de cette situation.
L’avenir incertain du luxe accessible
Le destin de Belair sera scellé le 29 avril prochain au tribunal judiciaire de Paris. Si la décision penche en faveur du plaignant, cela pourrait entraîner la fermeture définitive des 25 boutiques de l’enseigne et la mise au chômage de 44 salariés. Un coup dur pour cette marque qui se voulait ambassadrice du « luxe accessible » à la française.
Cette affaire illustre les difficultés croissantes du secteur du prêt-à-porter haut de gamme en France. Face à la concurrence des géants du fast fashion et des plateformes de vente en ligne, les enseignes traditionnelles peinent à maintenir leur modèle économique, particulièrement dans les emplacements prestigieux où les loyers atteignent des sommets.
La crise de Belair pourrait également mettre en lumière les limites d’un positionnement marketing entre deux mondes : ni tout à fait dans le luxe, ni complètement dans le prêt-à-porter de masse. Cette zone intermédiaire, autrefois prospère, semble aujourd’hui particulièrement vulnérable aux secousses économiques.
Alors que l’audience approche, les regards se tournent vers cette enseigne emblématique qui, après avoir habillé des générations de Français dans un style élégant et accessible, pourrait disparaître du paysage commercial hexagonal. Le cas Belair devient ainsi un symbole des mutations profondes qui traversent le secteur de la mode et du retail en France.
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